Doc. associatif Mars 2014

Manifeste pour une ville jardinée

Campagne municipale Paris 2014

la position de Graine de Jardins

En urbanisme, chacun le sait, les décisions d’aujourd’hui feront la ville de demain. A l’occasion des élections municipales de 2014, nous souhaitons interroger les candidat/e/s sur leurs choix en termes d’aménagement, et plus particulièrement sur ce qui concerne les espaces de nature en ville.

Depuis quelques années, un nouveau modèle urbain est apparu, celui de la ville dense, la ville compacte qui se refait sur elle-même au lieu de s’étendre au détriment des terres agricoles qui l’environnent. Nous partageons cette préoccupation concernant l’étalement urbain et cela d’autant plus que nous espérons voir l’agriculture urbaine et péri-urbaine prendre de l’essor dans les années à venir. Une agriculture respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois correctement rémunérés.

Le modèle de la ville dense pose cependant un certain nombre de questions dans son application. Densifier la ville signifie concrètement lotir les terrains vacants disponibles, construire des immeubles plus hauts, voire des tours, pour répondre notamment aux besoins en logements et en équipements socio-culturels (crèches, maisons de retraite, gymnases, médiathèques…). Il n’est pas question ici de nier la réalité de ces besoins ni l’importance d’y répondre.

Si les terrains vagues ont toujours constitué des réserves foncières qui servaient au développement de nouveaux quartiers, ce temps était souvent long. Il permettait que des espèces les colonisent, que des boisements se constituent comme dans le cas du jardin Saint-Vincent ou du Bois Dormoy (Paris 18e) et que des générations d’enfants puissent jouer dans les friches. Des jardins partagés y ont trouvé place depuis le tournant des années 2000. Cette tendance s’est affirmée ces dernières années du fait de l’engouement des citadins pour le jardinage et du besoin de recréer des liens sociaux.

Or le choix de densifier la ville implique une rotation bien plus rapide des terrains. Les immeubles insalubres détruits sont reconstruits dans des échelles de temps plus courtes. L’opération menée dans le quartier de la Goutte d’Or en témoigne.

De même les friches industrielles sont peu à peu reconverties en nouveaux quartiers (Les Grands Moulins, la ZAC Nord-Est à Paris) et il n’en restera bientôt plus dans Paris intra-muros.

La densification pose deux problèmes majeurs : les parcelles libres vont devenir de plus en plus rares et le choix de ne pas les construire, de plus en plus difficile à assumer pour les élu/e/s. D’autre part la densification en cours de certains quartiers déjà très peuplés aura pour effet de diminuer le nombre de m² d’espaces verts par habitant. Le ratio est déjà faible, moins de 1 m² dans ces quartiers, alors que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé sont de 10 m² d’espace vert.

Dès lors, dans la prochaine mandature, quelle place sera faite aux jardins publics et aux jardins associatifs, aux friches qui servent de refuge à de nombreuses espèces, domestiques et sauvages ?

Créer des jardins en toiture n’est pas la solution. Un toit n’offre pas l’accessibilité d’un jardin sur rue. Nous croyons qu’il vaut mieux réserver ces surfaces à des activités d’agriculture urbaine quand c’est possible ou à des opérations de végétalisation des toitures/terrasses pour lutter contre les îlots de chaleur et renforcer la biodiversité.

Un autre modèle urbain conciliant des préoccupations sociales et environnementales est non seulement souhaitable mais possible.

Paris se déploie sur un territoire restreint au regard d’autres capitales, sa densité de population est parmi les plus élevées au monde. Mais cette densité est inégalement répartie entre les 20 arrondissements tout comme l’offre en espaces de nature de proximité, qu’il s’agisse de parcs publics, de bois, de jardins cultivés par les habitants ou encore de friches reconquises par la végétation comme l’est en partie la Petite Ceinture.

Nous voulons une plus juste répartition de l’accès à des espaces de détente et de nature qui prenne en compte les inégalités sociales entre les quartiers de la capitale. Les jardins publics comme les jardins partagés constituent des respirations dans la ville. Beaucoup d’habitants des quartiers parisiens les plus denses souffrent de l’absence du végétal mais nous demandons que les quartiers qui cumulent forte densité, populations défavorisées et grandes carences en espaces verts (moins d’un m² par habitant) bénéficient d’une politique de rattrapage volontariste de la part de la future équipe municipale.

Il existe un grand dynamisme associatif dans ces quartiers situés pour la plupart dans le nord et l’est parisien. Les projets de jardinage collectif doivent pouvoir s’ancrer de façon pérenne dans ces quartiers et ne pas être uniquement une variable d’ajustement dans des opérations d’urbanisme.

L’offre en espaces verts ne devrait pas relever pas d’une approche politicienne mais d’une vision qualitative de la vie en ville.

Ils contribuent à un mieux vivre ensemble, ce sont des espaces de sociabilité et de loisirs gratuits, qui apportent du bien-être à toutes les catégories de la population et aux nombreux touristes qui fréquentent notre ville.

Ils sont indispensables et le seront encore plus dans les années à venir.

C’est pourquoi nous demandons aux futur/e/s élu/e/s de prendre en compte ces besoins et de s’engager à classer en espaces verts des surfaces significatives dans le Plan Local d’Urbanisme de Paris.